En ce jour du 11 novembre, j’ai une pensée émue pour tous ceux et celles qui sont morts pour la patrie et particulièrement pour l’instituteur Auguste Benoit dont l’école de Cabriès porte le nom depuis 1992.
Voilà ce que j’écrivais pour préparer l’inauguration
Voilà ce que j’ai dit le jour de l’inauguration
« C’est avec simplicité, chaleur et solennité que l’école de Cabriès toute entière est heureuse de vous accueillir en ce jour du 11 novembre 1992 où elle prend officiellement le nom de Auguste Benoit, instituteur de Cabriès, mort au champ d’honneur le 6 décembre 1914 à Lombaertzyde en Belgique sur le front des Flandres où tant de soldats sont morts pour s’opposer au plan allemand Schieffen : il faut envahir la Belgique neutre pour venir à bout rapidement de la France et de l’Angleterre puis se retourner ensuite contre la Russie.
Sergent au 163ème régiment d’infanterie, Auguste Benoit est envoyé sur le front de l’Yser avec son bataillon après avoir combattu dans la Meuse.
Toutes les troupes disponibles sont jetées dans cette course à la mer qui transporte tous les belligérants dans les sables mouillés des Flandres où les soldats ont du mal à se protéger.
Au prix de très grands sacrifices en vies humaines, les troupes françaises appelées en renfort permettent de stopper l’offensive allemande.
A partir de ce moment-là, on sait que la guerre sera longue. C’est dans ce coin des Flandres, à Lombaertzyde près d’Ostende, que mourut le 16 décembre 1914 Auguste Benoit.
Et Cabriès n’a jamais oublié.
Aussi comment ne pas se réjouir de ce choix qui donne à jamais à notre école le nom de Auguste-Benoit, son instituteur, qui lui-même a donné sa vie à la Patrie pour que la France vive libre.
Au cours de ces longues années qui nous séparent de sa disparition, les choses ont tranquillement mûri et la plaque souvenir confectionnée à l’époque par ses anciens élèves, toujours présente dans l’école n’est pas étrangère à ce choix fait par les nouvelles générations.
Désormais, Auguste Benoit a pris place dans nos cœurs et son souvenir à jamais immortalisé dans la mémoire de notre village.
Après quarante sept ans de paix pour notre pays, la guerre de 14-18 paraît aujourd’hui presque irréelle. On a du mal à en imaginer toutes les horreurs. Les souvenirs atroces s’effacent peu à peu de nos mémoires.
Aussi, il est de notre devoir, à nous les éducateurs, de rappeler ces sacrifices faits par nos aînés et d’œuvrer pour que la paix règne partout sur la planète.
Samedi 1er août 1914. Il est huit heures lorsque le télégramme annonçant la mobilisation générale parvient à la poste de Cabriès. Le maire de l’époque Marius Nardy est officiellement informé qu’il faut se préparer à l’affrontement.
Tout est si vite arrivé depuis ce 28 juin où l’archiduc d’Autriche est assassiné à Sarajévo.
L’Autriche déclare la guerre à la Serbie, l’Allemagne soutient l’Autriche, la Russie soutient la Serbie. La France, la Russie, l’Angleterre à leur tour rentrent dans le conflit : un engrenage infernal qui mobilisera 65 millions d’hommes à travers le monde.
La nouvelle de la guerre est arrivée à Cabriès. Les hommes se rassemblent devant la mairie. Ils plaisantent, regardent leur affectation sur leur fascicule de mobilisation. Auguste Benoit a quitté sa classe. Pour eux, la victoire ne fait aucun doute. Cela fait tellement d’années que l’on attend la revanche pour récupérer l’Alsace et la Lorraine. Ils se donnent rendez-vous à Berlin pour être à la maison à Noël. Ils ne savaient pas encore ce qu’ils allaient endurer pendant ces quatre années. Ils seront 138 de la commune à partir dès les premières heures, 33 ne reviendront pas.
Aussi, lorsque le 11 novembre, 1918, toutes les cloches de France se mettent à sonner pour annoncer l’armistice, le vieux clocher de Cabriès rappelle longuement lui aussi que l’horreur est bien achevée. Enfin c’est la paix !
Sur la place du village, devant la mairie, on s’embrasse, on pleure de joie, on pleure les disparus, on jure que ce sera la »der de der ».
Les larmes succèdent aux rires. La victoire a coûté cher à la France avec près d’un million cinq cent mille morts. La victoire a coûté cher à Cabriès. Combien sont revenus gazés, diminués, meurtris.
La France a payé un lourd tribut.
Soixante dix-huit ans après, Cabriès se souvient et n’a pas oublié.
L’école Auguste-Benoit sera toujours là pour en témoigner. »
Puis j’ai lu la lettre écrite le 5 novembre 1914 que son arrière petit-fils Christopher Hines m’a apportée des USA peu de temps avant la cérémonie et que j’ai découverte en la lisant. Je n’ai pas failli finir de la lire tant j’avais la gorge serrée lisant les mots d’Auguste Benoit. Il mourra le 14 décembre 1914. Sa fille Renée qui habitait Salon et présente à l’inauguration, avait 2 ans à la mort de son père.
En y repensant, j’ai les larmes aux yeux qui me reviennent.
Puissent les élèves de l’école avoir retenu la leçon
Mlle Guérin, l’autre enseignante écrivait:
« La mobilisation s’est effectuée avec beaucoup de célérité. Le télégramme officiel est arrivé au bureau de poste de Cabriès le samedi à 8 heures. Le Maire a été prévenu. Le crieur public est passé dans les rues du village pour l’annoncer.On a sonné le tocsin.Immédiatement les aires ont été abandonnés. Chacun s’est préparé à partir. Tous les mobilisés de la commune sont partis le jour prescrit et se sont rendus dans les casernes indiquées sur les livrets militaires.
Il y a eu de la bonne volonté chez tous.Ils sont partis joyeux en se donnant rendez-vous à Berlin. »
Mais tous ne sont pas revenus