Une inauguration en grandes pompes pour une cause controversée.
Il aura fallu exactement deux ans, après que la loi adoptée par le Parlement en 2005glorifiant les bienfaits de la présence française dans ses anciennes colonies, pour que la Municipalité de Cabriès érige et inaugure ce monument , comme le déclarera le Maire de Cabriès , toujours nostalgique des 12 millions de Km2 et des 120 millions dhabitants de lempire français, réalisé « en hommage aux femmes et aux hommes qui ont participé à luvre accomplie par la France en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Indochine et dans les territoires placés sous la souveraineté françaises , aux rapatriés, membres des formations supplétives et assimilés, disparus et victimes des événements liés au processus dindépendance de ces anciens départements et territoires. »
Un troisième monument aux morts pour la commune
Ainsi, la commune, qui possédait déjà deux monuments aux morts dédiés aux victimes des deux guerres mondiales situés dans les deux cimetières de Cabriès et de Calas , en a désormais un troisième aujourdhui à lentrée de Trébillane. Une plaque commémorative naurait-elle pas suffit ? Quelle mouche a donc piqué la municipalité pour être prise soudain par la fièvre des monuments aux morts. La proximité des élections municipales et la présence de nombreux anciens « rapatriés » dans la commune ny sont bien sûr strictement pour rien
Cest donc finalement aux alentours de 11 heures samedi dernier, en présence de M. Hubert Derache, Sous-Préfet dAix -en Provence, des députés UMP Maryse Joissains-Masini , maire dAix, Christian Kert et Richard Mallié, du Conseiller Général UMP Bruno Genzana et des élus de Cabriès, que ce mémorial a donc été inauguré officiellement avec le concours de la Fraternelle des Anciens Combattants de Cabriès-Calas et de la Lyre aixoise. Beaucoup de monde a pris place sur le terre-plein entourant le monument, avec une forte présence danciens dAlgérie de la commune et du Pays dAix , tout heureux de loccasion de se retrouver et de pouvoir encore parler du « pays ». Nostalgie certes, mais toujours le cur gros et les cicatrices jamais refermées. Mais aujourdhui, est-ce bien de cela quil sagit ?
Une réunion politique à la gloire de la colonisation.
Il appartenait donc aux orateurs de droite de vanter les bienfaits de la colonisation plus de quarante ans après que les gouvernements de droite de lépoque et le Général de Gaulle aient accordé lindépendance aux peuples colonisés dAfrique . Il serait temps dy penser pourrait-on dire surtout après avoir abandonné les supplétifs algériens en 1962. Comme au Parlement, il sagit ici avant tout de ramener dans le giron de lUMP, les votes des « pieds noirs » qui sont souvent allés du côté du FN ces dernières années. A Cabriès comme ailleurs, personne nest dupe de la manuvre électorale . Sous couvert dinauguration , il sagit en fait dune réunion politique où les thèses chères à lextrême droite sont déclamées en chur. Lintervention du député de la circonscription fut courte et dans la note ambiante . Pour Christian Kert, plus impliqué, puisquil était le rapporteur de la loi du 23 février 2005, il sagissait de défendre ce fameux article 4 , qui , au départ prévoyait denseigner à lécole le rôle positif de la colonisation. Il suscita de la part des historiens un tel lever de bouclier quil fut modifié au final : « Cette loi est destinée à rendre hommage à ce qui a été fait , se justifia-t-il, et pas à mettre en exergue les choses fâcheuses .» Passés aux pertes et profits les morts indigènes de la conquête coloniale, oubliés les milliers de morts des soulèvements des peuples colonisés à Madagascar , en Indochine, en Algérie ou en « Afrique Noire », ceux-là ne compteraient-ils pas au Pays des Droits de lHomme ? Pas le moindre regret pour ces hommes et ces femmes qui navaient que le droit de se taire. Bien fait pour eux alors ?
Pour la députée-maire dAix -en- Provence même son de cloche dans le couplet « non je ne regrette rien » , cher à Edith Piaf: « Il ny a pas à rougir, il ny a pas de repentance, il ny a pas de génuflexion à faire, il ny a que de la fierté ! » Fermer le ban. Après une telle déclaration, il ne restait plus quau Sous- Préfet , intervenant en dernier au nom de lEtat , de lire le message du ministre des Anciens Combattants et à la musique dinterpréter lhymne national après la traditionnelle minute de silence. Au son de « cest nous les Africains », chacun put se rendre pas très loin à lexcellent apéritif « Kémia » servi dans lOustau per touti. Et lhistoire dans tout cela ?